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DIODES ET THYRISTORS
dans les circuits de puissance
des engins monophasés

Dans le présent exposé, limité aux circuits de puissance des engins moteurs monophasés, nous nous attacherons surtout aux propriétés essentielles des divers schémas réalisables avec diodes et thyristors et aux raisons qui font choisir tel ou tel de ces schémas. Nous verrons brièvement aussi comment se présente pratiquement un ensemble redresseur.

LES SCHEMAS

On sait déjà qu'un ensemble redresseur peut assurer soit seulement le redressement du courant, c'est le cas des ensembles à diodes, soit assurer à la fois le redressement du courant et le réglage de la tension : c'est le cas des ensembles comportant des thyristors. Nous examinerons successivement, du point de vue schéma,ces deux catégories fondamentales de redresseurs.

1.1 - Montages assurant le redressement du courant, mais non le réglage de la tension, c'est-à-dire montages à diodes :

Il s'agit donc de montages que l'on rencontre sur les engins dotés d'un graduateur assurant le réglage de la tension, ou encore de ceux dont le transformateur est à rapport fixe mais qui possèdent un rhéostat, disposition plus rare utilisée seulement sur des engins polycourants.

1.1.1 - Montage en pont ou en push-pull

Les deux montages fondamentaux permettant d'obtenir le redressement bi-alternance du courant monophasé sont bien connu; ce sont :

  • - le montage en push-pull ou bi-valve (fig 1a)
  • - le montage en pont (fig 1b)
montage en push-pull ou montage bi-valve montage en pont
Il sont absolument équivalents sur le plan du redressement, donnant la même tension de sortie et le même courant dans le circuit alimenté.

Y a-t-il des raisons de choisir l'un plutôt que l'autre ?

Contrairement à l'apparence des schémas simplifiés, lorsqu'il s'agit d'alimenter un moteur de traction, le montage en pont ne conduit pas obligatoirement à un nombre de diodes double de celui du montage en push-pull.

En effet, les caractéristiques en tension et en courant des redresseurs à semi-conducteurs, et la nécessité d'adopter un coefficient de sécurité de l'ordre de 2 en tension obligent à les grouper en série-parallèle.

Or, dans le schéma en push-pull, les diodes de blocage supportent une tension inverse double de celle qui leur est appliquée dans un schéma en pont; ceci oblige en général à en mettre deux fois plus en série et fait donc retrouver le même nombre total de diodes qu'avec un montage en pont.

On peut noter que, même si une seule cellule est capable de "tenir" la tension inverse double qui résulte du montage en push-pull, le montage en pont n'est pas obligatoirement désavantagé. En effet, en constituant, pour deux moteurs à alimenter, un pont à point milieu (fig 1c), on parvient encore au même nombre de diodes (Sans pour autant rencontrer les inconvenients, sur le plan de l'adhérence, du couplage en série des deux moteurs, car leur indépendance est assurée grāce à la connexion médiane). Ce montage en pont à point milieu peut être intéressant, par exemple, pour alimenter deux moteurs à 750 V en utilisant des diodes de tension crête inverse égale à 5000 V, ce qui existe maintenant. Sur les locomotives bi-courant BB 25100, 25150, et 25200, il a été choisi parce que permettent un passage facile du schéma "monophasé" au schéma "continu", avec pour ce dernier : couplage des moteurs en série puis en série-parallèle.

Montage en pont à point milieu

Ce qui est évident c'est l'avantage du montage en pont sur le montage en push-pull, quant au dimensionnement du transformateur. On voit en effet que le secondaire du transformateur est mal utilisé avec le schéma en push-pull puisqu'il comporte nécessairement deux enroulements qui ne travaillent qu'à "mi-temps". De ce fait, si on appelle I le courant moteur, chaque enroulement est dimensionné en courant pour I1/2 et le dimensionnement en puissance de l'ensemble secondaire se trouve multiplié par 2-1/2 soit 21/2 (* 1,414).

De ce fait, pour un transformateur à rapport fixe, ou un transformateur avec réglage sur la basse tension, la masse de la partie active se trouve multiplié environ par 1,15.

Pourquoi rencontre-t-on néanmoins des montages en push-pull ?

Il faut bien remarquer qu'on les retrouve exclusivement sur les engins à diodes qui sont venus compléter des séries d'abord dotées de redresseurs à vapeur de mercure : BB 12000 - BB 16000 - BB 16500. Les locomotives tri-courant BB 30001 et 30002 ne constituent une exception qu'en apparence : pour elles, l'adoption de diodes au silicium au lieu d'ignitrons fut décidé en cours de construction.

Ceci est dū à ce que le schéma en push-pull possède une propriété qui était intéressante dans le cas d'emploi des redresseurs à vapeur de mercure : celle de donner un potentiel unique aux cathodes et, par conséquent, un potentiel unique des cuves de redresseurs puisqu'ignitrons et excitrons étaient réalisés avec cathode non isolée (dans un but de simplification et de moindre encombrement). Ce potentiel unique était particulièrement intéressant pour la climatisation par eau : point n'était besoin de ménager entre redresseurs les grandes longueurs de tuyauteries que réclament un isolement de plusieurs kilovolts. (Ceci n'étant à faire qu'entre redresseurs et ensemble dit bloc eau rassemblant pompes, réchauffeurs, vanne thermostatique, etc.).

Par ailleurs, avoir le même potentiel de cathode pour les redresseurs alimentant un même moteur permettait de réaliser plus simplement les circuits d'excitation (c'est-à-dire d'amorçage) des redresseurs, puisqu'il n'y avait pas à prévoir un fort isolement entre voies. (il ne faut pas oublier qu'un transformateur d'isolement pour un circuit d'excitation de redresseurs à vapeur de mercure était un appareil encombrant et lourd).

Cette propriété du montage en push-pull de donner un potentiel commun aux cathodes a perdu tout intérêt avec les redresseurs à semi-conducteurs qui se contentent d'un refroidissement par air et ont nécessairement des cathodes à des potentiels différents lorsqu'on les couple en série, ce qui oblige dans le cas de thyristors à les commander par l'intermédiaire de transformateurs d'impulsions multiples ou à secondaires multiples.

Il reste par contre au push-pull l'inconvenient de surdimensionner le transformateur : d'où le choix généralisé du pont sur toutes les séries nouvelles d'engins à diodes : automotrices Z 6100, locomotives BB 25500 et BB 17000, locomotives BB25100 - 25150 - 25200 déjà citées.

1.1.2 - Montage redresseur propre à chaque moteur ou montage commun

Le choix du montage en pont étant fait, combien faut-il en installer sur la locomotive pour alimenter les différents moteurs ? on peut en effet concevoir un schéma à montage redresseur commun (fig 2a) ou à montages redresseurs individuels (fig2b et fig 2c).

secondaire unique te pont unique secondaire unique et ponts séparés secondaires séparés et ponts séparés
Différentes conceptions de schémas pour l'alimentation de deux moteurs
Nota : on a figuré sur ces schémas les sectionneurs d'isolement des moteurs

On pense immédiatement à la possibilité qu'aura la locomotive de fonctionner à puissance réduite après une avarie grave de redresseur si on lui donne l'un des schémas 2b ou 2c. Cette possibilité n'est certes pas à négliger, mais son importance n'est tout de même pas primordiale compte tenu de la rareté des avaries de diodes : on trouve bien de temps à autre, en procédant à des visites périodiques des locomotives, des diodes avariées, isolément, mais il est très rare que survienne en ligne la destruction de toute une file.

Deux autres points plus importants sont à considérer:

  • - les conséquences éventuelles du flash d'un moteur sur les autres
  • - le dimensionnement de l'ensemble redresseur vis-à-vis des courants de court-circuit.

a) Conséquences éventuelles du flash d'un moteur sur les autres:

Quand un moteur flashe, c'est-à-dire qu'un arc s'établit entre ses lignes de balais, il se comporte dans les premiers instants comme une génératrice débitant en court-circuit à travers l'arc. Le court-circuit de l'induit se traduit par un appel de courant dans le circuit d'alimentation, courant qui vient malencontreusement renforcer le flux inducteur (fig 3a). Les dégāts sont limités par l'ouverture du disjoncteur de la locomotive sous l'action d'un des relais : surcharge, dI /dt ou détection de masse.

flash d'un moteur indépendant
flash avec 2 moteurs en parallèle
Flash sur un moteur seul
Flash sur un moteur avec un deuxième en parallèle

Avant cette ouverture, toutefois, si un autre moteur est en parallèle avec celui qui flashe, il a, en général, le temps d'en souffrir.. En effet se trouvant mis en court-circuit alors qu'il est doté de f.e.m., il s'amorce en génératrice sur le moteur flashé (fig3b) : son courant s'inverse et monte brutalement ce qui, le plus souvent, entraîne un flash par distortion de champ.
Certes, le courant débité par ce moteur est de sens propre à le défluxer, mais la disparition est lente en regard de la montée du courant, surtout si les inducteurs sont shuntés par des résistances, ce qui favorise le maintient du flux (bouclage du courant entre inducteurs et résistances).

Les oscillogrammes de la figure 4 montrent qu'un flash provoqué volontairement sur un moteur, par shuntage des pôles auxiliaires, a entraîné un flash d'inversion sur le second.

En conséquence, on a intérêt à choisir un schéma empêchant l'échange de courant entre moteurs, donc soit le schéma de la fig 2b, soit le schéma de la figure 2c.

oscillogramme d'un flash moteur

a) Dimensionnement de l'ensemble redresseur vis-à-vis des courants de court-circuit

D'une manière générale, pour déterminer le nombre de diodes à grouper en parallèle dans un bras de pont, on se base sur le courant moteur admis au début du démarrage, c'est-à-dire sur ce que l'on nomme l'intensité de "décollage". On s'assure ensuite que le pont est capable de supporter, jusqu'à l'ouverture du disjoncteur, le courant de défaut résultant d'un court-circuit aval.

Compte tenu :

  • - des possibilités de surcharge des diodes pendant quelques alternances
  • - des valeurs de réactance de transformateur généralement adoptées (de l'ordre de 12 à 13 %)
  • - du rapport de 1,5 à 1,9 qui existe entre l'intensité de "décollage", base du dimensionnement des ponts, et l'intensité nominale qui, avec la réactance du transformateur, défini le courant de court-circuit.

On rappelle que si la tension de court-circuit exprimée en % est Ucc %, l'intensité a pour valeur en cas de court-circuit franc :

Icc = (100/Ucc) x Inominale (du transformateur)

Ainsi, pour une tension de court-circuit de 12,5 % (ordre de grandeur courant) on a : Icc = 8 x Inominale (du transformateur).

(La tension de court-circuit est la tension pour laquelle le courant de court-circuit correspond au courant nominal. Il est souvent exprimer en pourcentage. On peut en déduire le courant de court-circuit sous la tension nominale en divisant le courant nominal par Ucc(en %).)

Il n'est pas en général, nécessaire de surdimensionner les ponts du fait des courts-circuits, à condition de bien choisir le schéma

En effet, le rapport entre l'intensité de dimensionnement d'un pont et le courant de défaut varie considérablement selon le schéma d'ensemble adopté. Ainsi :

  • - dans le montage à seconadire unique et pont unique de la figure 2a, le courant de défaut est à rapporter au courant nominal du transformateur, donc au courant nominal des deux moteurs; l'intensité de dimensionnement du pont est l'intensité de "décollage" des deux moteurs également.
  • - dans le montage à secondaire unique et ponts séparés (fig 2b), le courant de défaut est à rapporter comme précédemment, au courant nominal des deux moteurs, mais l'intensité de dimensionnement de chaque pont n'est plus que l'intensité de décollage d'un seul moteur. Il est donc certain que dans ce schéma les diodes sont, en regard du court-circuit beaucoupo plus mal placées que dans le schéma précédent.
  • - dans le montage à secondaires séparés et pont séparés (fig 2c) l'intensité de dimensionnement de chaque pont n'est, comme précédemment, que l'intensité de décollage d'un moteur; mais le courant de défaut ne se rapporte qu'au courant nominal d'un secondaire donc aussi au courant nominal d'un moteur. Sur ce plan, les schémas 2a et 2c apparaissent équivalents.

En fait, le schéma 2c est un peu plus avantageux. En réalisant le transformateur à secondaires séparés, on peut faire en sorte qu'un déséquilibre important des courants secondaires augmente le flux de fuite et donne au transformateur une réactance plus importante qu'en régime équilibré. Ainsi, le transformateur des BB 25500, dont la disposition des enroulements est représenté à gauche de la figure 5, présente une réactance de 16,5 % avec court-circuit d'un enroulement, au lieu de 13 % en régime normal (c'est la réactance que l'on mesure avec court-circuit des deux secondaires; même accidentellement ce type de court-circuit ne survient jamais).

En pratique, les schémas 2a et surtout 2c n'obligent pas à surdimensionner les ponts pour tenir compte des courants de court-circuit, tandis que le montage 2b y contraint. C'est une raison suffisante pour l'écarter. Si on tient compte par ailleurs de la propriété de la propriété du montage 2c d'éviter la répercution du flash d'un moteur sur l'autre, et aussi la possibilité qu'il donne d'un fonctionnement à puissance réduite en cas d'avarie grave de redresseur, on voit qu'il est le plus intéressant

on pourrait encore ajouter à son avantage qu'il permet la meilleure utilisation de l'adhérence par la locomotive. En effet, lorsque la vitesse d'un moteur augmente en raison d'un patinage, l'intensité qu'il absorbe diminue. Il en résulte une remontée de la tension de sortie du transformateur, ce qui tend à favoriser le patinage d'autres essieux. C'est avec le schéma à secondaires séparés que la remontée de tension aux bornes des moteurs non liés à l'essieu qui patine est moindre. Le risque de patinage généralisé s'en trouve réduit.

La constitution du transformateur ne se trouve guère compliquée que du plus grand nombre de sorties à réaliser. Cet inconvenient est mineur si la locomotive ne comporte que deux moteurs.

Le schéma à secondaires séparés et ponts séparés a donc été retenu pour les locomotives à diodes les plus récentes BB 25500 et BB 17000 et aussi pour les locomotives à thyristors CC 21000 sur lesquelles chaque montage élémentaire alimente un moteur double.

formes des tensions et courants

Ce que nous venons de voir reste en effet valable avec des thyristors.
Il est même une raison supplémentaire pour adopter ponts séparés et secondaires séparés sur un engin à thyristors. Cette disposition est la seule à permettre la commande individuelle des ponts qui offre la possibilité de leur faire délivrer des tensions différentes afin d'égaliser les intensités entre moteurs et de combattre les patinages.

Un secondaire unique ne donne pas cette possibilité, car il est impossible d'amorcer les thyristors d'un pont si une commutation est en cours sur un autre pont : la tension secondaire est en effet nulle tant que dure une commutation.
Cette évocation des commutations nous amène à examiner l'allure des tensions et courants obtenus avec un montage à redresseur à commutation naturelle avant de passer aux montages à redresseurs commandés, car c'est là qu'apparaîtront les différences entre les deux catégories.

1.1.3 - Formes des courants et des tensions obtenues avec les montages à diodes

Ces formes nous sont données par la figure 6. la tension de sortie du pont est, au redressement près, calquée sur la tension d'alimentation avec toutefois une plage d'ordonnée nulle due à la commutation des redresseurs. Cette commutation, ou empiètement, correspond au temps nécessaire à l'inversion du courant dans la partie alternative du circuit et à son report de deux bras du pont dans les autres. L'empiètement, qui augmente avec la la charge, est d'environ 20 à 30° au régime nominal des moteurs. (Il est plus important sur les crans bas du graduateur en raison de la réactance plus grande que présente alors le transformateur).

La self de lissage limite l'ondulation du courant à environ 25 à 35 % au régime continu du moteur; l'ondulation est moindre au démarrage quand le courant est plus important et la tension plus faible. Le courant ligne est, à son inversion près à chaque alternance, calqué sur le courant moteur.

Suite : Les thyristors    


Bibliographie :
- Documents D.E.T.E.58201 (G. Thauvin)


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