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LES APPLICATIONS DES THYRISTORS DANS LA TRACTION A COURANT CONTINU

Jusqu'à ces dernières années, les engins de traction à courant continu ont présenté, à de très rares exceptions près (locomotives de manoeuvre à groupe tournant), le même schéma de principe. Le démarrage s'effectue par élimination de résistances, le réglage de vitesse s'obtient, d'une part par couplage des moteurs de traction en série, série-parallèle ou parallèle et d'autre part, par réglage du champ des moteurs de traction. La locomotive ou automotrice à courant continu a surtout évolué par ses composants (moteurs de traction, appareillage).

L'apparition de thyristors de caractéristiques convenables a permis de changer complètement la physionomie de la locomotive à courant continu et les avantages apportés sont même beaucoup plus substantiels que dans le cas de la traction à courant monophasé. les traditionnels rhéostats de démarrage et dispositifs de changement de couplage n'existent plus. Les énormes appels d'intensité au démarrage disparaissent.

La locomotive présente alors un réglage de tension absolument continu et l'intensité captée en ligne varie proportionnellement à la puissance à la jante effectivement développée. Nous allons examiner les montages à thyristors qui permettent d'assurer les diverses fonctions :

  • - réglage de tension
  • - réglage de champ
  • - freinage électrique

Le réglage de tension

Le schéma de principe du dispositif de réglage de tension que nous désignons sous le nom de "hacheur" est donné à la figure 22a.
Il se compose essentiellement d'un thyristor (ou ensemble de thyristors) que l'on rend périodiquement conducteur et que l'on éteint à point nommé par un dispositif d'extinction (capacité auxiliaire dont le courant se substitue à celui fourni par le thyristor ou ensemble de thyristors). Pendant les périodes d'extinction, l'energie emmagasinée dans la self de lissage se déverse dans le moteur, la continuité du circuit étant alors assurée par la diode (communément appelée diode de "roue libre" fig 22b).

Mais la self de ligne risque de gêner le fonctionnement des hacheurs et sans précautions, le courant pris à la caténaire aurait une forme hachée, gênante par les harmoniques de courant qu'elle apporte et qui risquent de perturber les circuits de signalisation.

Aussi est-il indispensable d'introduire, en amont du hacheur, un filtre self-capacité dont le rôle est de régulariser les ponctions d'énergie. Ainsi, l'intensité prélevée à la ligne est pratiquement continue. Sa valeur est la moyenne de l'intensité périodique absorbée par le hacheur et l'ensemble hacheur-filtre se comporte en définitive comme un transformateur à rapport variable.

Le réglage de la tension moyenne délivrée par le hacheur peut être obtenue de deux manières différentes :

  • - durée fixe des créneaux et fréquence variable
  • - durée variable des créneaux de tension, et fréquence fixe.
schéma du hacheur
avec roue libre
C'est ce deuxième mode de réglage que nous avons retenu pour les hacheurs de puissance connectés à la caténaire. Nous pensons en effet que l'adoption d'une fréquence fixe (300Hz) permet de prévoir de façon certaine la gamme des fréquences harmoniques de courant et d'éviter la présence de certaines fréquences dangereuses pour les circuits de signalisation.
Le premier mode de réglage, à fréquence variable, peut être utilisé sans inconvenient pour des hacheurs auxiliaires de faible puissance.

hacheurs entrelacés

Afin de réduire l'importance du filtre, on utilise, dans le cas de puissances importantes, l'artifice consiste à alimenter le moteur de traction par plusieurs hacheurs dont les fonctionnements sont décalés dans le temps, les uns par rapport aux autres.
Ce mode de fonctionnement est couramment désigné par le terme "entrelacement" et la figure 22c donne le schéma correspondant. On y remarque que chaque hacheur élémentaire possède sa propre self de lissage et ses diodes de roue libre.

L'utilisation de hacheurs permet une variation continue de la tension. Cette variation est obtenue par décalage de l'angle d'allumage (fréquence fixe et temps de conduction variable) et on dispose d'une infinité de courbes effort/vitesse.

Le comportement d'une locomotive à courant continu à hacheurs est ainsi similaire à celui d'une locomotive monophasée à thyristors.
Le réglage d'excitation

Par un schéma directement dérivé de celui de nos locomotives monophasées, il est possible d'obtenir très simplement le réglage continu du champ des moteurs de traction (figure 23).
Ce dispositif présente l'avantage de ne nécessiter aucun système d'extinction pour les thyristors de réglage de champ. En effet, ceux-ci s'éteignent naturellement, soit en même temps que les thyristors du hacheur principal, soit en même temps que les diodes de roue libre.

Antipatinage

Chaque moteur étant alimenté par un ensemble de réglage de tension qui lui est propre, l'antipatinage, sur la totalité du plan effort/vitesse sera obtenu par reblocage rapide du hacheur correspondant au moteur qui patine.

reduction de champ par thyristors
Protection

En cas de défaut sur le moteur de traction, la protection intervient de façon ultra-rapide par extincttion et blocage des hacheurs correspondants. La protection est complétée par l'utilisation d'un disjoncteur ultra-rapide que nous avons récemment développé.

Excitation séparée

La possibilité d'une intervention rapide sur le réglage de tension permet d'envisager également l'utilisation de moteurs de traction à excitation séparée.

Freinage rhéostatique

Le freinage rhéostatique avec hacheur présente une propriété intéressante. Il permet le réglage continu de la valeur apparente du rhéostat de freinage suivant la valeur du temps de conduction ou de la fréquence de fonctionnement du hacheur (schéma fig 24a).

Freinage par récupération

Le freinage par récupération avec hacheur est possible, même avec des moteurs à excitation série et le schéma de la figure 24b en donne le principe. L'ensemble moteur-self est périodiquement court-circuité par le hacheur. Lors de l'exctinction du hacheur, la f.e.m. de l'ensemble moteur-self débitr sur le réseau et la récupération peut ainsi avoir lieu pour des tensions de génératrice inférieures à la tension de ligne.

freinage rhéostatique et par récupération

Les réalisations

Nous citerons en premier lieu les réalisations expérimentales, d'abord timides, qui nous ont permis de nous familiariser avec ce type de convertisseur alimenté en 1500 V. Il s'agissait de dispositifs de charge batterie de locomotive ou de régulation de tension d'alimentation de groupes moteurs-ventilateurs de moteurs de traction.
Puis nous avons expérimenté des hacheurs de puissance nettement plus élevée.

Z 4001 et Z 4002 Z 4203

Depuis 1968, deux vétustes automotrices (Z4001 et Z4002 - photo 25)sont équipées d'un hacheur simple 400 kW. Elles circulent chaque jour entre Brétigny et Dourdan. Grāce à elles, nous avons pu expérimenter également le freinage rhéostatique, le freinage à récupération, la marche à hacheurs entrelacés, et même un réglage de champ à transistor.

Plus récemment en 1970, nous avons expérimenté, dans la caisse d'un ancien fourgon automoteur Z4203 (figure 26) un dispositif de hacheur à vernier, dont le schéma est donné à la figure 27.

Enfin, nous nous proposons d'expérimenter prochainement un hacheur de 1000 kW monté dans la caisse d'une ancienne locomotive BB1 à 80 (BB17).

Matériel en service

Bien qu'il s'agisse d'équipements de puissance relativement modeste (20 kW), il convient de souligner que nous disposons sur toutes nos CC 6500 et 21000, locomotive de grande puissance (6000 kW), de groupes convertisseurs statiques (avec trabnsformateur d'isolement) dont le schéma de principe est donné à la figure 28.

hacheur à vernier convertisseur pour 6500 et 21000
Description détaillée du convertisseur    .

La mise sous tension du primaire est pilotée à fréquence fixe et les trois secondaires du transformateur permettent d'assurer respectivement :

  • La charge de la batterie 72 V de la locomotive
  • La charge de la batterie 30 V pour excitation des inducteurs de moteurs de traction dans le cas de freinage rhéostatique d'urgence
  • L'excitation des inducteurs des moteurs de traction pour la marche en freinage rhéostatique normal (max 550 A - 30 V).
Chaque secondaire alimente le circuit intéressé par l'intermédiaire de thyristor de régulation et de diodes de roue libre.

Matériel en construction

Nous avons évoqué précédemment le succès de l'expérimentation, depuis plus de 2 ans, de deux hacheurs de 400 kW sur les automotrices Z4001 et Z4002. Devant des résultats aussi encourageants, nous avons décidé de réaliser un hacheur de puissance notable par multiplication des hacheurs unitaires. Aussi avons-nous fait réalisé un bloc hacheur comprenant 2 ensembles capables chacun d'une puissance de 2850 kW en réglage continu. Chaque ensemble se compose de trois hacheurs entrelacés et peut débiter au démarrage dans le circuit moteur une intensité de 2600 A.

A pleine ouverture, donc pour 1500 V aux bornes de la charge, chaque ensemble peut débiter 1900 A de façon permanente. Cet ensemble est capable d'une puissance de 5700 kW. Ce blocdont la construction a été terminée fin 1970 est en cours de montage et cāblage dans une caisse de ocomotive désaffectée (ex CC 20002, mais capable toutefois de rouler à grande vitesse. Cet engin sera utilisé comme "générateur " pour alimenter une locomotive de grande puissance (BB 9200) par l'intermédiaire d'un jeu de cābles sur la toiture.

Le fonctionnement et les performances d'un demi-bloc (2850 kW) ont été entièrement vérifiés à notre Laboratoire Electrotechnique de VITRY, dans le courant de l'année 1970.

La mise en service et les essais de l'ensemble CC 20002 et BB9200 sont prévus pour mai 1971.


De ce tour d'horizon sur les applications des thyristors en traction électrique, il apparaît que, quel que soit le type d'engin à courant monophasé ou à courant continu, les fonctions fondamentales (réglages de tension, réglage de champ, freinage) seront remplies désormais par des ensembles à thyristors.
Non seulement ces ensembles présentent d'incomparables qualités de souplesse pour la commande d'une locomotive ou automotrice, mais ils permettent encore l'introduction de l'automatisme à bord des engins moteurs.


Bibliographie :
- Documents D.E.T.E.58215 (A. Cossié)


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