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Division d'Etudes de Traction Electrique. (D.E.T.E.)

sise 41 Boulevard de la gare (maintenant annexe du ministère de finances).
Souvenirs, souvenirs...

Division dont j'ai croisé le destin pendant trop peu de temps, malheureusement (5 ans), en plus à une période idéale, où l'électronique commençait à s'insinuer partout, y compris dans les circuits de puissance. Une vraie révolution.
C'est pour cela, que ce que je peux dire ici, ne concerne que mes impressions, et en plus, sur une durée relativement réduite, et il y a longtemps.

Comment définir la DETE de l'époque (1967..72) ?
Ce que j'ai ressenti, jeune provincial, débarquant des ateliers d'Oullins-Machines est très difficile à exprimer.
La DETE, ce n'était pas un service de plus de la SNCF, c'est, comment dire, un comportement, un état d'esprit, une façon de vivre, comme quelques autres "services" de la SNCF (Service de la Recherche, Division d'Etudes de Traction Thermique et quelques autres...)
La D.E.T.E. ce sont avant tout des personnages et pas seulement du matériel, raison pour laquelle les photos qui suivent en montrent quelques-uns.

Ruche pleine de "grosses têtes" qui ne se prenaient jamais trop au sérieux, tous passionnés du chemin de fer,. Ceux que j'ai personnellement connus, une poignée d'un vingtaine, sont à l'origine de trucs fantastiques, TGV,  locomotives à hacheur (7200), de l'électronique embarquée, etc.

Le rôle de la DETE est assez vaste.
Le travail de base était de recenser tous les incidents, graves ou insignifiants arrivés sur les machines en service afin d'apporter des améliorations. Cela entraînait différents essais de mise au point des modifications.
De grandes lignes d'investigations étaient données par Mr Nouvion, puis mises en application par les équipes d'ingénieurs, ce qui débouchait sur des essais grandeur nature, soit au labo de Vitry, soit en ligne, après réalisation de prototype, souvent en collaboration avec les constructeurs.
En parallèle avec cela, chacun recevait des revues dans son domaine particulier, à charge de repérer des nouveautés, et éventuellement de s'y intéresser concrètement.
Un tout petit exemple : Pour les essais de pré-annonce (Capitole)  il y avait un problème d'affichage. Les tubes Nixie étaient fragiles. J'avais trouvé dans une revue, un nouveau produit, un afficheur à plasma, qui aurait bien pu faire l'affaire. Pas de problème, on l'essaye. Feu vert pour en commander un, et faire un montage prototype.
La première ouverture de disjoncteur a réglé le problème, et le plasma avec. C'était tout des circuits intégrés MOS, et la première surtension a pulvérisé proprement le silicium...  Durée de vie : 5 minutes....Exit le plasma, au moins pour un temps, mais on avait essayé.

Un autre domaine d'activité est la publication des résultats obtenus, sous forme de notes internes SNCF, de communications aux revues spécialisées, de cours donnés dans les grandes écoles. Par exemple, j'ai encore un cours sur les redresseurs et transformateurs de puissance  signé Fernand Nouvion, pour l'Ecole Supérieure d'Electricité (Supelec pour les intimes). Nombre de publications signées André Cossié ont alimenté des revues telles que la Revue Générale d'Electricité, ou même des documents à usage interne, destinés aux techniciens de la SNCF, car il n'en existe pas seulement dans les services d'études.

En arrivant, j'ai eu à m'occuper des tout premiers équipements électroniques embarqués :
Les détecteurs de boîtes chaudes (La Radiotechnique), et le système détecteur anti-patinage (sociéte ROCHAR).
La cohabitation des circuits faibles courants et des circuits de puissance n'a pas été évidente immédiatement. Des quantités de phénomènes nouveaux et inconnus jusqu'alors se présentaient. Il fallait expérimenter, comprendre, et résoudre les nouveaux problèmes qui se présentaient.
A un moment, nous devions enregistrer des variations de paramètres sur l'anti-patinage Rochar. Installation en cabine d'un magnétophone, et raccordement au détecteur. Essai à l'arrêt, tout semble correct.
Première marche : magnétophone saturé, enregistrement, n'importe quoi. Après études et mesures complémentaires, on s'est aperçu que le blindé transportant le signal de mesure, mis à la masse côté détecteur et aussi côté magnétophone (dans la cabine) nous baladait un courant de plus de 10 ampères en traction.. Ce courant traction circulant entre la masse moteurs et le rail, passait aussi par notre blindé !... Cela apprend ce qu'est un courant de retour..

Autre exemple, l'alimentation de ces systèmes étaient assuré par la batterie de la machine (72V).
A l'époque (1966), c'était le début des transistors silicium. Les 2N3055 utilisés par les régulateurs d'alimentation étaient timbrés à 60V (un exploit), et claquaient régulièrement, malgré les diviseurs de tension et protections mis en place.
J'ai souvenir de m'être déplacé au dépôt de la Chapelle, avec un oscilloscope de 50 kg, pour faire des mesures de surtensions, sur une BB25500, et constater, photos à l'appui, que la simple ouverture du disjoncteur, sans charge de puissance, nous générait sur la ligne de batterie, des impulsions rapides de plus de 500V... Alors, la disjonction sur un flash moteur !...
Donc, étude et mise en place de filtres et blindages efficaces.


L'électronique de la "Vitesse Imposée" décapoté.
Chaque module est un amplificateur
opérationnel, en composants discrets.
Puis ce fut la Vitesse Imposée, alors en expérimentation sur les Z 6100 de la Région Nord. Système réalisé par la société suisse Sécheron. Le principe en est simple : le conducteur affiche une vitesse souhaitée, et la machine s'arrange pour la maintenir.
Outre les problèmes techniques, le plus difficile fut de convaincre les conducteurs de l'époque. Pas facile. La plupart étaient des anciens et "n'avaient besoin de personne pour tenir une vitesse et faire l'heure". Qu'est-ce qu'on a pas entendu comme quolibets, chaque fois qu'on faisait des accompagnements. "Tiens v'là les bricolos", "salut la cybernetique.." j'en passe et des moins cordiales...
C'était le tout début de l'électronique active. Des tas de problèmes nouveaux apparaissaient :
Les températures, la poussière, les surtensions, les comportements humains...
Et pourtant, la "vitesse imposée" (VI) équipe maintenant toutes les machines modernes...
Et à l'époque, les circuits intégrés montraient seulement le bout de leur nez. Tous les dispositifs étaient constitués de composants discrets, c'est-à-dire transistors, résistances et condensateurs.
Le premier amplificateur opérationel intégré que j'ai reçu (uA709 pour les connaisseurs), a fait l'admiration de tout le monde. Comment cette petite chose, grosse comme un transistor remplace un bloc complet?! Puis, la technologie embarquée a fait des avancées fulgurantes, justement grâce à l'apparition de ces curieuses petites bestioles que sont les circuits intégrés, qui ont permis des réalisations beaucoup plus complexes, à cause de leur faible encombrement et de leurs performances. En quelques mois, des ensembles aussi complexes que la conduite automatique sont devenus possibles.

Cette autre voie d'exploration à laquelle j'ai participé, fut la "conduite optimisée", ou encore conduite automatique. Il s'agissait de régler automatiquement la marche des rames de banlieue Z 5300, afin qu'elles soient dans une fourchette de 10 secondes sur l'horaire théorique, à l'entrée du "trou" d'Austerlitz (entrée de la gare souterraine). Là aussi, des souvenirs épiques m'assaillent encore. Je travaillais sur ce sujet avec les gens du service le la Recherche, Germain Monfraix et M. Autruffe. Nous avions à disposition 2 conducteurs, Robert et Lucien (ils se reconnaitront peut-être) et trois rames avaient été équipées ; Z 5356, 57 et 58. On partait de Brétigny en général, et marche commerciale jusqu'à Austerlitz. C'était un embryon d'ordinateur, (armoire de 2m de haut) dont la mémoire était constituée de deux bandes de papier perforé (il en a fait des trous le Germain !). Sur ces bandes, figurait le profile de la voie, les horaires, et les fenètres de balise d'arrêt. Ces balises étaient disposées le long de la voie, à 1800m et quelques du point d'arrêt en gare. La machine captait la balise, et calculait la courbe de freinage, en fonction de la réaction de la rame aux coups de freins.

M. Autruffe présente une balise de freinage. Les mains dans les poches, c'est Robert, un de nos conducteurs
Un arrêt réussi, on aperçoit le trait blanc sur le quai à hauteur des tampons. Démonstration en gare des Brotteaux à Lyon
(photos SNCF)
Il fallait faire moins d'un mètre en plus ou en moins du point d'arrêt théorique, matérialisé sur le quai par un trait de peinture.
La conduite était simple :
L'initialisation se faisait à la gare de départ, par un numéro, selon la marche, composé sur un cadran téléphonique (!).
A chaque gare, au "ding" du chef de train, le conducteur donnait une impulsion sur le bouton de départ, et la rame démarrait, prenait sa vitesse de croisière, dépendante de l'heure, de la tension en ligne, la charge etc.. La prise en compte de la balise de freinage de la gare suivante était  affichée par un voyant en cabine, à charge au conducteur, de surveiller cet état de fait. Puis la rame freinait seule, suivant une courbe calculée au fur et à mesure, pour s'arréter exactement.
En général, cela marchait bien. Un jour, nous avions à bord une délégation de je ne sais plus quel pays (on a vu défilé pratiquement le monde entier) pour une démonstration. Départ comme d'habitude de Brétigny, retard au départ de Choisy, puis normal. Les pendules de la gare d'Austerlitz étaient encore des modèles à volets basculants. On devait arriver à austerlitz, à 14h01.
Le bloc électronique de la conduite optimisée
On arrive au début du quai, la pendule affichait 14h00, le temps de terminer la course, nos visiteurs ont eu l'impression que la fin du freinage, l'instant où on a une sorte de recul, avait fait basculer la pendule : 14h01 au dixième de seconde près. D'ailleurs, un personnage, qui parlait un peu français me dit en souriant "Fantastique, vous pouvez régler les horloges !", tellement la précision de l'arrêt avait été impressionnante. (coup de veine, il faut bien le dire, car en géneral, on tenait les 10 secondes, mais pas plus) .
Et des fois, ça marchait moins bien:
Un jour, Robert était aux commandes. On arrive à Austerlitz, comme toujours, balise enregistrée, un peu vite quand même. Et Robert "t'inquiète pas, elle va freiner". Au milieu du quai, toujours rien. Alors là, panique et coup de poing. Trop tard, le carré du bout du quai emmanché de 10m. Pétards de voie, etc.. Il a fallu s'expliquer... Heureusement, marche d'essai, pas de clients à bord, on s'en est sorti sans casse, mais les gars du PC d'austerlitz ne rigolaient pas, eux...
Une autre fois, démonstration sur Paris-Melun. Ligne inhabituelle, puisque notre terrain de jeux était Austerlitz. Germain avait constitué la bande sur documents, sans essais préalables. Cette fois, nous avions à bord un ministre (des transports sûrement, mais quand on est jeune, ils sont tous pareils). La Z 5356 en gare de Lyon, vérifiée et re-vérifiée, sous tension depuis plus d'une heure, tout OK. Nos gens arrivent, escortés par M. Autruffe, patron du service de la Recherche, présentation du matériel, Ah c'est bien! Installation en cabine. Heure de départ Le chef de gare (il y en avait encore) brandit son drapeau, et le conducteur (c'était Lucien) monte le bouton de départ. J'étais devant l'appareillage, avec Germain. Et nous voyons la bande "profil" s'éclater joyeusement, sauter de ses rouleaux. La machine non contrôlée fait un bon en avant, puis se plante. Et Lucien, à 100 mètres et sans liaisons avec nous, qui ne perd pas son sans-froid, "tiens, un hoquet de l'électronique", et de pousser discrètement le manipulateur du tableau de bord. Ca part, et nous derrière, sur une marche que l'on ne connaissait pas, sortir rouleau de scotch, le graphique du profil, recoller tout ça, recaler, et passé Bercy, le voyant rouge en cabine de non-fonctionnement s'éteint, Lucien comprend tout de suite, passe en automatique, et le fonctionnement normal reprend son cours et corrige. Melun pile à l'heure, et personne n'a rien vu (sauf M. Autruffe évidemment).

Des annecdotes autour de ces trois machines (Z5356, 57 et 58), il y en a des tas. On ne peut pas les raconter toutes, Il y faudrait un bouquin entier. Ce furent des moments formidables, même quand il fallait faire des modifications sur l'électronique, accroupi dans le fourgon à bagages de la Z, lancée à 120 km/h. (Comme plan de travail, il y a mieux  !...) pendant la marche aller.
Il s'est tissé une complicité et une amitié hors du commun, entre des gars de la conduite ( Robert et Lulu), de la Recherche (Germain) et moi-même.
Nous avons passé des moments fantastiques ensemble, sans trop s'occuper des heures..

 Je me souviens des essais du "hachoir" (600 kW), comme on l'appelait à l'époque,  précurseur des BB7200, sur les Z4001 et 2, complètement trafiquées, le filtre d'un coté, les thyristors de l'autre, avant même le celèbre tandem 9252-20002. En 1969-70, faire passer le courant de traction dans des thyristors, avec une tension d'alimentation de 1500V, il fallait vraiment oser. L'ingénieur qui s'occupait de ces essais entre Bretigny et Dourdan, y passait le plus clair de son temps...
C'est de ces études et essais que sont issues les BB 7200. On part d'une idée, d'une théorie, pour arriver, après nombre d'adaptations et de modifications, à un produit fini, et quel produit !!

C'est à cette époque, qu'est entré en service commercial le premier hacheur à thyristors sous 1500 V, beaucoup plus simple que le précédent. Il s'agissait du convertisseur pour les batteries et le freinage réostatique des 21000, puis 6500.  Petite puissance, mais grande nouveauté !...
J'avais été chargé à l'époque d'établir le document descriptif de ce système. Quand j'ai présenté mon document à Mr Desmadryl, il m'a renvoyé dans les cordes,


présentation de la CC21001 dans la cour de la DETE.
Vous les voyez, tous ces ingénieurs, grimpés sur le toit de la machine, ou à quatre pattes, à ausculter les boggies. Pas peur de se salir les mains...
"qu'est-ce que ces différentielles font là ? personne ne va rien comprendre. Si tu y tiens, mets les en annexes...".
Bon, refonte du papier... J'avais oublié que ce document devait aller dans les dépôts et ateliers. Ces deux personnages, Mr Cossié et Mr Desmadryl furent d'excellents vulgarisateurs de techniques complètement nouvelles, et j'ai appris beaucoup de choses dans ce domaine à leur contact.

A force de trainer nos guêtres un peu partout, c'est là que j'ai connu les derniers "pieds fins", ces conducteurs qui connaissaient une ligne par coeur, et vous faisaient un Paris-Lyon  à la seconde près, en rattrapant du retard si nécessaire, et en se maintenant exactement à la vitesse, par une connaissance incroyable de la ligne. "Là tu coupes, t'as une déclivité", "remets le jus, une rampe dans 500 m". Tout cela sur des becannes (CC 7100, ou 2D2 9100) encore équipées du compteur de consommation (et oui, il y avait des primes d'énergie et de rattrapage de retard).

Qui était Mr Nouvion ?
Je ne veux pas exposer son pédigré.
Plutôt une anecdote qui met en lumière l'aspect humain du Monsieur.
Quand j'ai été muté à la DETE, des ateliers d'Oullins-Machines, j'ai d'abord été reçu par Mr Nouvion, dans son bureau, lorsque j'ai pris mon service. Il m'a demandé d'où je venais, qui j'étais, etc.. et m'a expliqué ce qu'était la DETE, et que de toutes façons, je verrai bien. Puis il me demande comment je m'installe à Paris, fraichement débarqué de ma province. Pour l'instant, je suis à l'hotel, mais j'arrive... Et il me remet entre les mains de Mr Claude Desmadryl, qui sera mon chef de service.
Peut-être deux mois après, je le croise dans l'escalier principal de la DETE. Je le salue, comme il se doit. Il m'arrête, et me demande comment je trouve le boulot, si cela me plait.
Sans que j'ai eu le temps de répondre, de but en blanc, il me sort "T'as réussi à te loger correctement ?". Je lui raconte que je suis en train d'explorer les agences immobilières, et que j'ai repéré deux ou trois choses intéressantes, et alors il me réplique que si j'ai besoin de temps pour aller visiter, il suffit d'en informer Mr Desmadryl, et que la SNCF cautionne des prêts pour ses agents. "t'as qu'à aller voir Mme Chatel au secrétariat, elle te donnera ce qu'il faut". Et le voilà reparti en direction de son bureau.
J'en suis resté comme "deux ronds de flanc", comme on dit chez nous. Qu'un monsieur si occupé ai pu se rappeler, d'abord qui j'étais, après m'avoir vu pendant 1/4 d'heure il y a deux mois, et se préoccupe de mon installation dans ma nouvelle vie, m'a franchement laissé pantois.

Son adjoint, Mr Cossié, André pour nous autres, est un cheminot dans l'âme, qui ne vivait que pour le chemin de fer. Il prenait son repos et sa détente dans une cabine de conduite.
(il était aussi dans la cabine du TGV en 1981)
C'est lui qui est à l'origine des BB15000 entre autres, mais celles-ci furent ses enfants chéries.
Il me souvient, un week-end, d'avoir été, avec mon épouse, visiter de la famille à Strasbourg.
Le dimanche soir, retour par le "Kleber", rapide Strasbourg-Paris, tracté ce soir là par une 15000.
J'étais dans une des premières voitures, tranquille, comme tout voyageur, lorsque soudain, coup de frein, choc et étincelles. Arrêt d'urgence. Etant malgré tout agent SNCF, je vais voir ce qui se passe. Le conducteur m'explique qu'il est passé sur quelque chose, mais à 160, dans la nuit, il ne l'a vu qu'au dernier moment. Pendant qu'il téléphone au PC, je remonte la rame, et arrive au corps du délit. Il s'agissait d'un porte coulissante de wagon style frigo, blanche, incrustée entre les deux rails. La BB l'avait mise aux dimensions règlementaires, cisaillée proprement à 1,40m de large, le reste éparpillé en dehors  de la voie. Je reviens expliquer ce que j'ai vu au conducteur qui prévient le PC. Un tour rapide de la machine, pas de casse apparente, je préviens mon épouse, et je reste avec le conducteur en cabine.
Arrivé à Nancy, on rattrape l'express précedent, qui lui s'était pris la porte sur ses deux dernières voitures. Frayeur des voyageurs, mais pas de casse. Quelques rayures sur les caisses, mais rien de sérieux.
Examen un peu plus approfondit de la 15000, mis à part une sablière tordue, rien de cassé.
Voyage terminé sans incidents.
Le lendemain, lundi, j'arrive au bureau comme d'habitude, et André arrive quelques instants après, catastrophé, le visage des mauvais jours. Ils m'ont cassé une 15000 ! Comble de malheur, pas moyen d'avoir le dépôt de la Villette. Au bout d'un moment, je réalise qu'il s'agit de la mienne. Difficile de l'approcher dans l'état où il était. Un membre de sa famille aurait été accidenté, que ce n'aurait pas été pire . Quand même, au bout d'un moment, j'arrive à  lui glisser timidement, qu'à part une sablière tordue, la machine n'a absolument rien. Il me regarde, comme si je venais de lui parler en patagon oriental. Puis "qu'est-ce que tu me racontes ?"
"S' il s'agit de la BB15xxx (je ne me souviens plus du numéro), j'étais à bord du Kleber, et j'ai fini le trajet en cabine. Juste la sablière droite".
Alors, j'ai vu son visage se transformer, et son sourire habituel revenir, raccrocher son téléphone, et me dire "expliques".

Un jour, encore une démo, avec je ne sais quel personnage officiel, de la pré-annonce du coté de Vierzon, avec une machine Capitole. J'étais en cabine, avec tout ce beau monde, dans un petit coin. Ca semblait se passer pas mal, mais d'un coup, je vois Fernand (Nouvion) se tourner vers moi, et me dire discrètement "Ca merde, va voir si tu trouves quelque chose". Je m'éclipse dans le ventre de la machine, et j'ai fini le trajet, assis sur le compresseur, tenant enfoncé une des cartes de l'électronique, qui avait perdu son verrouillage mécanique.

Je pense que tous les gars que j'ai connu doivent avoir des histoires semblables par milliers.
Moi je ne m'occupais que de faible puissance, mais mes collègues racontaient leurs mésaventures avec la puissance, quelques fois, on a piqué des crises de fou-rire assez mémorables.

Il y avait aussi les jours de tristesse et de deuil. Heureusement, je n'en ai vécu qu'un seul.
Le 26 septembre 1969, suite à un tamponnement avec un camion (encore!) du coté de Hale en Belgique, la 40106 s'est retrouvée pliée en 3 dans le fossé. Que la machine soit foutue, ce n'était pas dramatique en soit, mais ce qu'il y a de grave, c'est qu'un conducteur y ait laissé la vie.. Cela nous a tous beaucoup marqué

D'autres

Même ces évenements dramatiques ont eu des cotés positifs. C'est pour palier à ce genre de chocs, que la structure des machines a évoluée, avec structure en poutrelles croisillonnée et bouclier à l'avant. C'est la différence fondamentale entre les philosophies automobile et ferroviaire : Dans la première, les véhicules doivent absorber le choc par déformation, alors qu'une locomotive doit plutôt se comporter comme un bélier et dégager ce qui se trouve devant, en ayant le moins de casse pour elle-même, et tant pis pour l'intrus qui n'avait rien à faire là... Si cette politique avait été admise plus tôt, quelques conducteurs de plus auraient connus la retraite, mais c'est l'expérience qui fait évoluer les connaissances. Un dernier exemple qui illustre ce fait : lors d'un tamponnement, en 1962, entre une BB 20100 et comme d'hab. un camion, le conducteur avait réussi à s'échapper dans l'autre cabine, mais la cabine qui a percuté a été écrasée, et le conducteur est mort asphyxié. C'était un camion de farine...

 Malgré tout, tous les essais que l'on a pu faire, même négatifs, ont fait progressé la technique et la technologie, pour arriver aux machines modernes, et ce n'est pas fini...
Les caisses

Voilà une photo qui marque la fin du règne de celui que je considère comme un pionnier, et comme je l'ai déja dit, un type rare. Mr Fernand Nouvion, le jour de son départ en retraite. Il est à l'extrème gauche de la photo. (Le type à lunettes, à sa gauche, c'est moi...). Avec le personnel de la DETE, au grand complet, voiture d'essai compris.

Tous ces braves gens se réunissent aux environs de la date anniversaire du record de 1955 (enfin, ce qu'il en reste), et ce fût, pour moi un indicible plaisir de les retrouver, après plus de trente ans (et grâce à internet !) et de constater que leur enthousiasme et leur vivacité d'esprit ne s'est pas émoussé d'un poil.

B. Parent


 
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